Pour la troisième fois de son histoire, Paris s'apprête à accueillir les Jeux Olympiques. Bien que beaucoup aient discuté de cette édition exceptionnelle qui divise l'opinion en France, c'est en dehors du domaine sportif que ce grand événement mondial nous enseigne le plus sur l'état du monde et les perspectives à venir. En effet, tel une boîte noire pour un avion, cet immense rassemblement révèle les nouvelles grandes lignes de fractures globalisées, qu'elles soient technologiques, géopolitiques, ou socio-économiques. Voici pourquoi.
Future of | À partir du 13 mai, tous les jours sur forbes.fr, vous trouverez un contributeur qui analysera chaque semaine les perspectives et les dynamiques à venir dans chacune des grandes thématiques traitées par Forbes : le futur du monde (le lundi), de la finance (le mardi), du travail (le mercredi), de la technologie (le jeudi) et de la durabilité (le vendredi).
Quatre ans se sont écoulés depuis les Jeux de Tokyo de 2020, fortement perturbés par la pandémie. Cependant, sur le plan technologique, ces Jeux semblent aussi éloignés de la dernière édition de Paris en 1924. La raison en est simple : l'Intelligence Artificielle (IA). Celle-ci est devenue depuis deux ans le principal sujet de débat au niveau mondial, suscitant autant d'espoir que de craintes. Les JO de Paris ne voulaient pas rater ce virage technologique et l'IA est déclinée à tous les niveaux, en particulier dans le domaine de la sécurité comme le rapporte le magazine Capital dans un reportage détaillé. Mais au-delà de cela, l'IA sera également omniprésente dans la manière de vivre et de suivre les Jeux. Les spectateurs pourront comparer les performances, faire des prédictions, comparer les meilleures offres d'hébergement, optimiser leurs parcours pour assister à plusieurs épreuves. En bref, cette édition parisienne sera une sorte de "fenêtre sur le futur" des prochains Jeux, ceux de la réalité augmentée et de la toute-technologie. Cette évolution n'est pas neutre, puisque l'esprit des Jeux est par essence une célébration de l'humain et de ses capacités physiques et mentales, comme l'a résumé Pierre de Coubertin dans une phrase devenue célèbre : "l'important dans la vie ce n'est pas le triomphe mais le combat ; l'essentiel, ce n'est pas d'avoir vaincu mais de s'être bien battu". En effet, avec l'avènement de l'IA qui nécessite des investissements en capital très importants, il devient impossible pour un pays pauvre ou à revenu intermédiaire d'envisager d'organiser les Jeux.
Pékin-Washington express
Sur le plan géopolitique, cette édition de Paris est similaire à plusieurs précédentes qui se sont déroulées dans un contexte de profonde reconfiguration des affrontements mondiaux. Si les Jeux de Los Angeles en 1984 avaient illustré les derniers soubresauts de la guerre froide avec la non-participation de l'URSS et de quinze autres pays, les JO de Paris charrient également leur lot de tensions. Au-delà des négociations sur la participation de la Russie, encore incertaine selon Le Monde, les Jeux de Paris seront d'abord le théâtre de l'affrontement entre la Chine et les États-Unis. En effet, l'oncle Sam accueillera la prochaine édition en 2028 à Los Angeles. De manière emblématique, c'est dans la capitale de la sixième puissance mondiale – la Californie - et du temple de la technologie que se tiendront les prochains Jeux, illustrant davantage la rivalité sino-américaine pour prendre le contrôle des réseaux et de leur contenu. Globalement, on constate surtout l'affaiblissement croissant de l'Europe qui ne dispose plus des moyens de sa puissance et perd de plus en plus sa souveraineté. Le Vieux continent en est réduit à prononcer des amendes contre des géants américains de plus en plus monopolistiques, ou à tenter de contrer l'expansion industrielle de Pékin avec l'ouverture d'une enquête contre les producteurs d'éoliennes chinois soupçonnés de bénéficier de subventions. L'Europe ne parvient même plus à faire respecter ses décisions politiques, la justice européenne rejetant de manière cinglante des sanctions prises contre des oligarques russes le 10 avril dernier.
Taxis vs VTC : retour sur le match
Si l'on devait résumer les Jeux de Paris comme une illustration des mutations socio-économiques à venir, la bataille entre VTC et taxis pour l'accès aux fameuses "zones rouges" illustre parfaitement la schizophrénie croissante à laquelle les pouvoirs publics doivent faire face. Après avoir initialement accordé l'exclusivité aux taxis, l'État a dû faire marche arrière face à la réaction des associations de VTC et au manque de voitures disponibles pour transporter les spectateurs. Il reste cependant ferme - pour l'instant - sur l'accès aux 185 km de la "voie Olympique", à savoir la bande de gauche du périphérique où transiteront les cortèges officiels et... les taxis. En clair, une préférence est nettement donnée aux taxis représentants de l'"ancien monde" fait d'autorisations, de licences et de réglementations, au détriment de l'économie des plateformes qui tend à décentraliser des fonctions autrefois régaliennes. Le transport n'est pas le seul domaine à être confronté à ces contradictions. Le débat interminable autour d'Airbnb alors que les prix des hôtels parisiens ont explosé est également d'actualité. En filigrane, ce sont presque deux visions du monde qui s'affrontent et qui seront en première ligne dans les années à venir. D'un côté, ceux qui, au nom du "progrès", souhaitent voir les États et la régulation réduits à un rôle de contrôle a posteriori. De l'autre, ceux qui cherchent à freiner les multiples dérives liées à la perte de sécurité dans l'emploi, ou à la multiplication des risques privés et publics inhérents au numérique. Face à cette équation apparemment insoluble, peut-être que la manière d'impliquer les populations dans la prise de décision politique devrait elle-même faire l'objet d'une "mise à jour". Mais c'est là un tout autre débat...
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